Izesan! : comment une application valorise les langues africaines

Anthony Otaigbe et Izesan! : préserver les langues africaines grâce à la technologie

Peu nombreux sont les entrepreneurs qui osent relever le défi de sauvegarder le patrimoine linguistique africain. Anthony Otaigbe, fondateur de la plateforme éducative Izesan!, fait partie de ces pionniers. Originaire d’Esan, une communauté du sud du Nigeria, il a grandi aux États-Unis sans maîtriser sa langue maternelle, une réalité vécue par de nombreux diasporans africains.

Une application née d’un besoin personnel et identitaire

Face à l’absence de ressources pour apprendre l’esan, Otaigbe a dû faire preuve d’une détermination exemplaire, appelant sa famille et son grand-père pour combler ses lacunes linguistiques. Mais conscient que peu de personnes partagent cette même motivation, il a décidé de créer Izesan!, une application mobile d’apprentissage des langues africaines, similaire à ce que Duolingo a fait pour l’espagnol ou le français.

L’application a d’abord été lancée, en 2019, de manière gratuite, enseignant l’esan puis s’étendant à 15 langues africaines, dont le yoruba, le swahili, le haoussa ou encore le pidgin nigérian. Elle propose des leçons interactives à travers des flashcards et divers exercices pour faciliter l’apprentissage.

Les premiers défis : téléchargements nombreux mais peu de fidélisation

Malgré un accueil enthousiaste avec un grand nombre de téléchargements, Izesan! a vite rencontré des difficultés d’engagement et de rentabilité. La gratuité avait généré des attentes irréalistes et des demandes constantes d’améliorations, pesant lourdement sur les finances d’Otaigbe, qui finançait seul les mises à jour sans générer de revenu.

En 2022, après un différend avec un développeur, l’application fut désactivée, ce qui permit à Otaigbe de repartir sur de nouvelles bases et de repenser son modèle économique.

Un virage décisif : du grand public aux établissements scolaires

De retour au Nigeria, il a choisi de monétiser Izesan! en ciblant non plus les particuliers, mais les écoles privées, convaincu que l’apprentissage des langues locales y serait mieux intégré comme une exigence éducative, plutôt qu’un simple loisir nostalgique.

Les débuts furent difficiles dans un contexte économique tendu, avec peu d’intérêt et des négociations serrées sur les tarifs. Pourtant, progressivement, plusieurs écoles nigérianes prestigieuses ont adopté la plateforme, apportant une validation importante.

Cette transition a également impliqué des ajustements dans l’équipe, privilégiant l’adaptabilité face à l’évolution des besoins de l’entreprise.

Vers un impact plus large grâce au partenariat avec le gouvernement

Pour atteindre un public plus large et un impact réel, Izesan! s’est tourné vers les ministères d’éducation régionaux, particulièrement dans le nord du Nigeria. L’entreprise développe désormais des applications et matériels didactiques adaptés aux environnements à faible technologie, favorisant l’enseignement dans les langues locales.

Cette orientation B2G (business to government) contribue aujourd’hui à une part importante des revenus de la société, qui a atteint la rentabilité en 2024 malgré un démarrage difficile sans levée de fonds extérieure.

Un parcours exigeant mais signé par la passion et la résilience

Pour Anthony Otaigbe, gérer une startup en mode auto-financement a été une épreuve intense : « No, je ne le referais pas, mais je tiens toujours mes engagements. Gérer une startup est éprouvant, et l’auto-financement, c’est l’enfer ». Pourtant, sa détermination et sa vision ont permis à Izesan! d’exister et d’évoluer, apportant une contribution précieuse à la valorisation des langues africaines.

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