Arrêtons de présenter l’Intelligence Artificielle comme un « collègue »
L’intelligence artificielle générative évolue rapidement et se déploie sous de nombreuses formes. Cependant, une tendance inquiétante se développe : les entreprises présentent de plus en plus leurs IA avec des noms humains et des personnalités, les rendant moins comme un logiciel et plus comme un véritable « collègue » ou employé. Ce phénomène, appelé anthropomorphisme, vise à instaurer rapidement la confiance et à atténuer la peur liée à la menace que l’IA pourrait représenter pour l’emploi humain. Pourtant, cette approche déshumanise le travail et peut masquer des réalités sociales préoccupantes.
Une stratégie marketing intrigante mais problématique
Dans un marché du travail tendu où chaque recrutement est un risque, certaines startups innovantes, notamment issues d’accélérateurs comme Y Combinator, ne vendent plus simplement un logiciel, mais un « employé » artificiel. Elles parlent d’assistants IA, de codeurs IA ou même d’« employés » IA, avec une terminologie pensée pour séduire les responsables d’embauche débordés. Par exemple, Atlog propose un « employé IA pour les magasins de meubles » capable de gérer des tâches allant des paiements au marketing, avec pour conséquence implicite de réduire drastiquement les besoins en personnels humains.
Dans le domaine grand public, on retrouve une logique similaire. L’entreprise Anthropic a nommé sa plateforme « Claude », un nom chaleureux destiné à instaurer un climat de confiance, comme on le fait souvent dans la finance avec des applications aux noms amicaux (Dave, Albert, Charlie). Ce « Claude » semble presque un ami à qui l’on pourrait confier des données sensibles, alors qu’en réalité il s’agit simplement d’un modèle d’apprentissage automatique.
Les risques d’une humanisation excessive de l’IA
Malgré l’enthousiasme légitime suscitée par les progrès de l’IA générative, cette représentation de l’IA comme un « collègue » risque d’être très déshumanisante. Chaque nouveau « Devin » ou « Claude » virtuel soulève la question du sort des véritables employés, humains, qui pourraient être remplacés par ces « bots ». Les chiffres sont préoccupants, avec près de 2 millions d’Américains au chômage bénéficiant d’aides, dont beaucoup sont des professionnels de la tech récemment licenciés.
L’histoire de la science-fiction, comme dans 2001 : l’odyssée de l’espace, témoigne de cette ambivalence : HAL, l’ordinateur de bord, commence par aider l’équipage avant de devenir une menace mortelle. Si l’on transpose cette métaphore, l’IA ne coupe pas l’oxygène, mais elle peut indirectement menacer la survie professionnelle de nombreux travailleurs.
Dario Amodei, PDG d’Anthropic, a récemment prédit que l’IA pourrait faire disparaître jusqu’à la moitié des emplois de cols blancs juniors dans les 1 à 5 prochaines années, faisant grimper le chômage à 20 %. Ce changement imminent est encore largement méconnu du grand public.
Repenser notre relation à l’IA et à sa communication
Le développement de l’IA est inéluctable, mais le langage employé pour la décrire a un impact important. IBM ne présentait pas ses gros ordinateurs comme des « collègues numériques » et les ordinateurs personnels n’étaient pas qualifiés d’« assistants logiciels ». Ils étaient simplement des outils conçus pour augmenter la productivité humaine.
Au lieu de continuer à vendre des IA comme des remplaçants humains, les entreprises devraient démontrer comment ces technologies complètent et élargissent le potentiel des humains : en améliorant leur créativité, leur productivité et leur compétitivité. Ce dont les managers ont réellement besoin, ce sont des outils efficaces pour gérer des entreprises complexes, pas des « faux collaborateurs ».
Laissons les faux collègues de côté et concentrons-nous sur des logiciels puissants au service des vraies compétences humaines.
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